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2008-05-30 17:11
interview/Nintendo DS

[Interview] Vocabelum : comment un petit éditeur français peut se lancer sur Nintendo DS


[Pockett.net] – Il est très rare qu'une jeune société française arrive à éditer un jeu sur DS. La société Vocabelum a réussi ce tour de force : elle a conçu le jeu Lettriq, puis a produit la cartouche pour la console portable de Nintendo. Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Yoram Moyal, son co-fondateur et directeur général.

Pockett.net : Pouvez-vous nous présenter votre société en quelques mots ?
Yoram Moyal : L'histoire de Lettriq commence il y a deux ans et demi quand l'un des associés, Eric Amsellen, a l'idée de créer un jeu de lettres. Pendant un an, il travaille seul avec deux developpeurs, puis soumet le résultat à son père Armand Amsellem et à moi qui étais alors consultant en business development pour Orange. Trop compliquées, les idées développées alors ont été remplacées par une idée simple : Tetris, avec des lettres. A 30 ans, j'ai alors conçu le jeu pour en faire ce qu'il est aujourd'hui sur DS, PC, GPS, etc. Aujourd'hui, l'équipe se compose de six développeurs, mon adjoint David Marx et moi nous occupons du management.
 
Pockett.net : Comment est née l'idée de Lettriq ?
Yoram Moyal : La première idée est venue lorsqu'Eric Amsellem, qui avait alors un magasin de jeux vidéo, entendait trop de mamans se plaindre des jeux abrutissants vendus à leurs enfants ! L'idée fût alors de se tourner vers le ludo-éducatif.

Pockett.net : Au niveau technique (programmation), quelles ont été les difficultés ?
Yoram Moyal : Les difficultés ont résidé dans l'intégration de la totalité des 450 000 mots de la langue française, conjugaisons comprises, et surtout de la reconnaissance instantanée d'une éventuelle faute d'orthographe dans la composition d'un mot, procédé novateur d'ailleurs breveté par Vocabelum. Par ailleurs, il fût délicat d'adapter la valeur de chaque lettre en fonction de sa rareté dans le vocabulaire avec une grande précision.

Pockett.net : Souvent les jeunes sociétés proposent d'abord des jeux sur PC, car les outils sont publics. Pourquoi avoir choisi de développer sur Nintendo DS, une machine vérouillée par Nintendo ?
Yoram Moyal : Car nous avons d'emblée constaté que le jeu Lettriq avait le plus de sens en mobilité. Chaque partie n'excède en effet pas plus d'une douzaine de minutes. Par ailleurs, en plus d'être mobile, la Nintendo DS est la console la plus vendue dans le monde.

Pockett.net : Comment se sont déroulées les relations entre une jeune société française d'un côté et le géant japonais du jeu vidéo de l'autre ? Pouvez-vous nous décrire les différentes étapes de ces relations ?
Yoram Moyal : Difficiles... En fait, ne s'appelant ni Ubisoft, ni EA, il fallait montrer patte blanche ! Le plus facile a été d'obtenir le kit de développement. Par contre, après un an de développement, il a fallu environ 14 semaines pour que Nintendo nous donne son accord et pour que l'on puisse donc utiliser son label. Il y a eu énormément d'allers-retours avec la filiale allemande de Nintendo, qui gère l'Europe, pour que celle-ci approuve le moindre détail du jeu. Au final, il a fallu 14 mois de négociations pour pouvoir sortir le jeu sur DS.

Pockett.net : Avez-vous trouvé des distributeurs ou procédez-vous directement avec les magasins ? A quelles difficultés avez-vous été ou êtes-vous confrontés pour mettre votre jeu dans les rayons ?
Yoram Moyal : Lorsque nous avons remporté la Mention Spéciale du jury du Festival des Jeux Vidéo, la Fnac faisait partie de ce Jury et avait adoré le jeu. Par contre, n'étant pas encore référencé chez eux, elle nous a recommandé de passer par un grossiste. Ce que nous avons été forcés de faire pour ne pas louper Noël ! La distribution n'est pas notre métier et il est très difficile de gérer avec les Fnac, Virgin, Carrefour lorsqu'il y a des ruptures de stocks et que l'on s'apelle Vocabelum mais pas Nintendo par exemple.
 
Pockett.net : Comment faites-vous connaître votre jeu auprès du public ?
Yoram Moyal : Nous n'avons pas de gros moyens pour communiquer. Ainsi, notre stratégie est de faire communiquer et de générer du buzz sur Internet. Nous développons, par exemple, en ce moment un grand nombre de partenariats avec de gros sites média qui mettent Lettriq en avant sur leur site comme Lycos, Femme Actuelle ou France Télévision et qui proposent à leur visiteurs de jouer en multijoueurs gratuitement.
Nous avons par ailleurs organisé une compétition entre journalistes autour de Lettriq pour savoir quelle rédaction a le plus de vocabulaire en France. Le gagnant a d'ailleurs gagné un voyage aux Antilles ! Et nous organisons le même type de compétition entre les grandes écoles le 30 juin autour de Lettriq avec de nombreux prix à gagner pour les étudiants, sélectionnés par leur QIL (Quotient Intellectuel Lettrique).

Pockett.net : Lettriq représente quel investissement ?
Yoram Moyal : Au total en fonds propres et avec un banque, près de 1 million d'euros ont été investis à ce jour dans la société, ce qui n'est pas négligeable !

Pockett.net : Quel est l'avenir de Lettriq ?
Yoram Moyal : Un avenir plein de promesses ! Nous ne sommes en fait qu'au début de l'aventure : Lettriq est déjà en cours de traduction dans de nombreuses langues (anglais, espagnol, italien, japonais, allemand, etc.) et nous sortons le jeu sur de multiples supports : DS et PC bien sûr, mais désormais sur GPS avec la marque Danew, et très vite sur mobiles, PDA et même consoles dédiées. De plus, une adaptation TV est en cours !

Pockett.net : Avez-vous d'autres jeux en préparation?
Yoram Moyal : Nous prévoyons bien sûr d'autres jeux mais à moyen terme, et nous commencerons probablement par un Lettriq 2.

Pockett.net : En dehors de ce qu'on peut lire dans les brochures de la Chambre de Commerce, si vous aviez un conseil à donner à une jeune équipe qui voudrait commercialiser un jeu vidéo, quel serait-il ?
Yoram Moyal : Penser très tôt au distributeur idéal, s'armer de patience et être persévérant. Le marché du jeu vidéo est en pleine croissance dans le monde. Si l'on croit en son idée, il faut aller au bout.

Pockett.net : Auriez-vous une anecdote en rapport avec votre jeu ?
Yoram Moyal : Nous recevons beaucoup de messages et... les mamans sont folles de nous maintenant ! En effet, parents et enfants peuvent enfin jouer ensemble et progresser en français. En fait, le jeu respecte pour la première fois la différence d'âges et les enfants sont donc capables de battre leurs parents grâce à ce mélange entre Tetris et le Scrabble !

P.

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